Culture

Qui se cache derrière le nom des stations de métro : Hôtel de Ville-Louis Pradel

Dans l’esprit de la chanson de Jacques Prévert Pour faire le Portrait d’un Oiseau, découvrons celui de Louis Pradel, maire de Lyon de 1957 à 1976 

Pour faire le portrait d’un maire de Lyon : Louis Pradel alias zizi-béton

 Peindre d’abord un enfant qui pousse en Beaujolais,
p
rès d’un grand-père amoureux de roses… Voilà  la porte grande ouverte sur la beauté !         

Les roses en Beaujolais des Pierres Dorées

Peindre ensuite un garçon,

qui à l’école, va à reculons…

C’est qu’il cherche avant tout à se rendre utile.

Mécanique, sens du contact, ça lui est tellement facile…

Le lion de Lyon

qu’il est propulsé chef des ventes chez Peugeot,

La marque au lion. Belle prémonition,

pour celui qui va occuper le bureau

19 ans durant de la mairie de Lyon !

Placer ensuite sa femme à ses côtés ;

Fille de notables de souche,

en haut de l’échelle il est transporté…

Assurément ce mariage fait mouche !

 

Maintenant fondé de pouvoir, vite quitter ce béret, il lui faut paraître sans cette allure de benêt…

 

Voilà que la nuit s’abat sur l’Europe,

Il entre en résistance, fonde Le Coq Enchaîné,

fait de sa maison un arsenal pour mettre un stop

à la barbarie, la bestialité, les atrocités…

 

Quand la ville est libérée par Brosset le Général,     

1898-1944, libérateur de Lyon le 3 septembre 1944

les marches de la mairie il monte dare-dare.

En récompense, il y entre, au conseil municipal,

Sa carrière politique alors démarre.

 

Se cacher derrière le petit père du peuple lyonnais,         

1, rue d’Herbouville 69004 Lyon

Le temps de faire ses premières armes,

Maintenant qu’ Herriot s’en est allé,

C’est le Pradélisme qu’on acclame !

 

Il gère sans parti, sauf le sien, marqué au bas du tableau :

Pour la Réalisation Active Des Espérances Lyonnaises !

L’heure est à la reconstruction : les pavés au caniveau !

Le béton, ça cimente à tout va, n’en déplaise !

L’écoute ça lui tient à coeur : il dialogue avec Ulla.

Désormais affublé du sobriquet « zizi-béton », il donne le la !

 

Tout à l’auto, plat de nouilles, tunnel, A7,

ça n’l’empêche pas d’être à ses heures poète…

L’important c’est la rose, lui susurrait son aïeul,

En voilà partout au grand parc, sans l’ombre d’un glaïeul !

Inauguration de la roseraie internationale au parc de la Tête d’Or le 19 juin 1964 en compagnie de Grâce de Monaco

Inventaire époustouflant, œuvre colossale, véritable avalanche,

il fait creuser le métro,  crée le MGR, inaugure le CIRC, la Part-Dieu

Se tue à la tâche, pas de répit, pas même le dimanche,

un vilain crabe lui ronge l’estomac, le force à l’adieu…

Inauguration du Centre International de Recherche contre le Cancer en compagnie des Pompidou-1972

Sa ville ô combien reconnaissante

Ecrit son nom dans un coin du tableau,

Lui dédie une place à l’Hôtel de Ville attenante,

Où son buste regarde vers son ancien bureau.

Le buste de Louis Pradel sur la place qui lui rend hommage
Ampère le père de l'électricité

Qui se cache derrière le nom des stations de métro de Lyon : Ampère-Victor Hugo

Une saison touristique plus tard, le virus, toujours là, joue avec nos nerfs, passant d’un variant à un autre… Nous faudra-t-il apprendre l’alphabet grec en entier ?

Profitons-en pour nous balader en ville, masqués jusqu’au nez, bien sûr, et arrêtons-nous à la station AmpèreVictor Hugo se souvient de celui qui inventa le vocabulaire de l’électricité…

Trompe l’oeil, rue Ampère à Villefranche sur Saône

Dans la collection “Choses Vécues”, Hugo se souvient d’Ampère :

 

Hier de ce mois de février, je vais par la montagne, je vais par la forêt ! Ô les monts d’or, ces bois sauvages, j’y trouve mon souffle, un rivage ! Il fait beau mais très froid et  je le croise, là, devant la maison paternelle de Poleymieux. Il a 27 ans, il part pour la Bresse… Il est grand, ses yeux gris sont tout écarquillés, prêt qu’il est à dévorer le monde… A Bourg, le voilà qui professe la physique. Ah ça, ça lui fait tout drôle d’enseigner, lui qui n’a jamais été à l’école ! Son père, Jean-Jacques l’éclairé, en fait  son « Emile », selon les préceptes rousseauistes alors très en vogue.  Il gagne aux côtés de ce père-philosophe son latin et se plonge avidement dans l’Encyclopédie et le Dictionnaire de Trévoux.

Fresque Hôtel des Postes – Louis Bouquet 1937

« Savoir étant sublime, apprendre sera doux », c’est bien ce que je prophétisais A Propos d’Horace… Cette citation lui sied à merveille ! Il a vraiment la lumière à tous les étages : il présente à 13 ans à l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon un mémoire sur la quadrature du cercle ! Du haut de leurs sphères, les savants, impressionnés, parlent de brillance, de flammes célestes, de cellules grises en ébullition, d’un esprit générateur d’étincelles, de fulgurances.

Son aspect est quelque peu rustique, son menton fourchu ? Qu’importe, il y a cette femme, Julie, son Esméralda, son soleil… Ses cheveux sont or, ses yeux azur…Bien rangées dans leur carquois, les flèches de Cupidon piaffent d’impatience ; l’une d’elle, tel l’éclair, foudroie le cœur du grand savant. Amour fou, flamboyant, fatal… Julie malade, se meurt, André-Marie, misérable, se morfond… Pour oublier, il se galvanise au travail… le voilà qui théorise l’électromagnétisme. C’est en lisant sa fameuse «Classification des Sciences » que je reconnais en lui un humaniste, du XIXe… Humaniste romantique, constamment tourmenté, dévoré par son obsession de découvrir, il implore régulièrement son ami  Claude Bredin, directeur de l’école vétérinaire de Lyon, en ces termes : « Je ne trouve que des vérités. Enseigne-moi la Vérité » !

L’ampère

Hélas, mille fois hélas, à trop chercher, il se perd : ce surrégime le mène implacablement à l’épuisement, après avoir accouché d’une œuvre gigantesque.

Je me souviens, c’était en 1881, mon Dieu que j’étais  bien vieux déjà… j’écris son nom dans mon petit cahier ; oui, c’est officiel, l’ampère est choisi à l’échelle mondiale comme unité d’intensité du courant électrique. Vous parlez d’un événement ! Peu nombreux sont ceux qui ont droit à l’onomastisme* !

Peu après, au cours de mes Contemplations, je le rencontre, figé sur une place, la sienne ; assis sur son socle, insaisissable, tout irrigué de formules. C’est la ville de Lyon qui glorifie son illustre fils, le Newton de l’électricité !

Statue-dAndre-Marie-Ampere-place-Ampere-Lyon-2e-metro-Ampere-Victor-Hugo
Statue-dAndre-Marie-Ampere-place-Ampere-Lyon-2e-metro-Ampere-Victor-Hugo

*onomastisme : du grec nommer, est un mot entré dans le langage courant qui trouve son origine dans un patronyme

 

statue équestre de Louis XIV place Bellecour

Qui se cache derrière le nom des stations de métro de Lyon : Bellecour ?

« Sans vous, nos monuments seraient muets » : ainsi s’adressait Stéphane Bern aux guides-conférenciers au début de la crise sanitaire, en signe de solidarité.
Quelques mois plus tard, toujours confinés, j’ai imaginé offrir un bol d’oxygène aux Lyonnais et autres touristes reclus en donnant la parole à certains lieux & monuments emblématiques de la capitale des Trois Gaules. Pour fil conducteur, je me suis inspirée du fameux Métronome de Lorant Deutsch en suivant les noms des stations du métro lyonnais.

La place Bellecour, kilomètre zéro de la ville, se devait d’être le lieu de départ de cette odyssée ! Ecoutons ce qu’elle a à nous dire…

Une grande dame, Mme Bellecour, raconte :

– Moi, Bellecour, je ne suis pas seulement la vedette de cette ville, je suis également une des plus grandes places d’Europe ! Rendez-vous compte, je couvre pratiquement 6 ha à moi toute seule ! Oh bien sûr, il m’en a fallu du temps pour peaufiner ma silhouette et j’en ai porté bien des noms avant celui-ci… En effet, au commencement est le forum romain, véritable acropole qui trône fièrement sur le haut de Fourvière où vivent les habitants de Lugdunum. A l’époque, je ne suis qu’un embryon d’île balloté par le fleuve, un vaste marécage que les Romains, avec le génie qui les caractérise, assèchent pour y installer leurs entrepôts.

Au cœur du Moyen-Âge, l’archevêque donne libre cours à ma nature en y plantant une vigne à l’abri de clôtures. Me voilà « Bella Curtis », le beau jardin où paissent par la suite des moutons, chassés en 1562 par les soldats Réformés du Baron des Adrets. Voilà que ce dernier s’installe chez moi en y dressant son camp retranché…

Bellecour est Bella Curtis au Moyen-Âge

Le bon roi Henri IV, Dieu soit loué, remet un peu d’ordre dans ce terrible carnage… je recouvre ma liberté jusqu’à l’entrée en scène de Louis, le Grand, l’éblouissant, que je séduis en un tour de main… ou presque, épris qu’il est de la belle Marie Mancini, nièce de Mazarin… Qu’à cela ne tienne, je redouble de charme et finis par l’emporter : le monarque m’honore en me décernant le titre de Place Royale ; me voilà devenue le miroir de la grandeur militaire, politique, divine de sa Majesté… au point que très vite je m’enorgueillis d’une statue qui le glorifie, suffisant, sur son cheval. Quelle classe ! En profitent pour se dresser tout autour de moi des édifices aux façades à l’antique dessinées par son architecte favori, un certain Robert de Cotte.

Henri IV et Louis XIV

Ah j’en vois passer du beau linge ! Par exemple en 1804 le pape, Pie VII en personne, qui s’en va à Paris sacrer Napoléon, à reculons, il faut bien le dire.

Hélas, avant lui ma ville est jugée rebelle par la Convention… les révolutionnaires m’affublent d’un autel de la liberté. « Fédération, elle s’appelle maintenant Fédération-on-on* », chantaient-ils tous en cœur alors qu’ils installaient sur mes terres une guillotine… quand je pense à toutes ces têtes qui sur mon corps ont roulé, j’en frémis encore ! Durant le terrible siège de 1793, l’Egalité mène à la destruction de la statue du grand-Louis ainsi qu’à celle des façades de tous les immeubles érigés sur mon côté est/ouest ! Si vous m’aviez vue alors, je n’étais plus qu’un amas de ruines ! Lyon n’est plus… parce Lyon, vous l’avez compris, c’est moi ! Oui, moi, le cœur battant de la ville !

Que les dieux bénissent le grand Général, qui, dès son retour de Marengo, triomphateur, s’est approché et a posé sur mes blessures la première pierre réparatrice… Qu’est-ce que j’ai pu crâner en portant, pour trop peu de temps hélas, le nom de Bonaparte. Avec l’échec des Cent Jours, le pays s’en est retourné à la monarchie… et le roi soleil en mon sein, représenté tel un empereur romain à cru sous le burin de Lémot, celui-là même qui avait, auparavant, installé Henri IV, cette fois avec des étriers,  sur le Pont Neuf . Figurez-vous que lors de la pose de cette sculpture, il fait une mauvaise chute qui le mène quelques années plus tard à la mort.

Allégorie de la Saône au pied de la statue équestre représentant Louis XIV à l’antique

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt au cheval de Louis XIV, dont le socle était orné jusqu’à il y a peu, de la présence des deux grandes gloires locales, vous savez, celles qui me serrent bien à la taille, le Rhône et la Saône. Vous les avez vues, sublimement allégorisées par les frères Coustou. On me les a enlevées, vous entendez, enlevées ! Apriori, elles avaient besoin d’un bon toilettage… Bon, je veux bien l’admettre, mais va-t-on me les rendre ? On chuchote déjà qu’elles seraient remplacées par des copies, les originaux conservés au musée des Beaux-Arts… Dites-moi qu’il n’en est rien, sinon, quand les Lyonnais vont lancer leur cri de ralliement : « on se retrouve sous la queue du cheval », j’aurais l’air de quoi moi ?

 

*à chanter sur l’air de Conception Robert Charlebois