Une saison touristique plus tard, le virus, toujours là, joue avec nos nerfs, passant d’un variant à un autre… Nous faudra-t-il apprendre l’alphabet grec en entier ?
Profitons-en pour nous balader en ville, masqués jusqu’au nez, bien sûr, et arrêtons-nous à la station Ampère où Victor Hugo se souvient de celui qui inventa le vocabulaire de l’électricité…
Dans la collection “Choses Vécues”, Hugo se souvient d’Ampère :
Hier de ce mois de février, je vais par la montagne, je vais par la forêt ! Ô les monts d’or, ces bois sauvages, j’y trouve mon souffle, un rivage ! Il fait beau mais très froid et je le croise, là, devant la maison paternelle de Poleymieux. Il a 27 ans, il part pour la Bresse… Il est grand, ses yeux gris sont tout écarquillés, prêt qu’il est à dévorer le monde… A Bourg, le voilà qui professe la physique. Ah ça, ça lui fait tout drôle d’enseigner, lui qui n’a jamais été à l’école ! Son père, Jean-Jacques l’éclairé, en fait son « Emile », selon les préceptes rousseauistes alors très en vogue. Il gagne aux côtés de ce père-philosophe son latin et se plonge avidement dans l’Encyclopédie et le Dictionnaire de Trévoux.
« Savoir étant sublime, apprendre sera doux », c’est bien ce que je prophétisais A Propos d’Horace… Cette citation lui sied à merveille ! Il a vraiment la lumière à tous les étages : il présente à 13 ans à l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon un mémoire sur la quadrature du cercle ! Du haut de leurs sphères, les savants, impressionnés, parlent de brillance, de flammes célestes, de cellules grises en ébullition, d’un esprit générateur d’étincelles, de fulgurances.
Son aspect est quelque peu rustique, son menton fourchu ? Qu’importe, il y a cette femme, Julie, son Esméralda, son soleil… Ses cheveux sont or, ses yeux azur…Bien rangées dans leur carquois, les flèches de Cupidon piaffent d’impatience ; l’une d’elle, tel l’éclair, foudroie le cœur du grand savant. Amour fou, flamboyant, fatal… Julie malade, se meurt, André-Marie, misérable, se morfond… Pour oublier, il se galvanise au travail… le voilà qui théorise l’électromagnétisme. C’est en lisant sa fameuse «Classification des Sciences » que je reconnais en lui un humaniste, du XIXe… Humaniste romantique, constamment tourmenté, dévoré par son obsession de découvrir, il implore régulièrement son ami Claude-Julien Bredin, directeur de l’école vétérinaire de Lyon, en ces termes : « Je ne trouve que des vérités. Enseigne-moi la Vérité » !
Hélas, mille fois hélas, à trop chercher, il se perd : ce surrégime le mène implacablement à l’épuisement, après avoir accouché d’une œuvre gigantesque.
Je me souviens, c’était en 1881, mon Dieu que j’étais bien vieux déjà… j’écris son nom dans mon petit cahier ; oui, c’est officiel, l’ampère est choisi à l’échelle mondiale comme unité d’intensité du courant électrique. Vous parlez d’un événement ! Peu nombreux sont ceux qui ont droit à l’onomastisme* !
Peu après, au cours de mes Contemplations, je le rencontre, figé sur une place, la sienne ; assis sur son socle, insaisissable, tout irrigué de formules. C’est la ville de Lyon qui glorifie son illustre fils, le Newton de l’électricité !
*onomastisme : du grec nommer, est un mot entré dans le langage courant qui trouve son origine dans un patronyme
Belle découverte, ça donne envie d’en savoir plus sur Ampère et d’aller visiter le musée de Poleymieux !
Très vivant et intéressant !!! une grand merci de nous partager toutes ces informations sur ces découverte qui ont révolutionné nos vies !!!
Merci Annaëlle, en effet voilà un personnage étonnant qui a accouché d’une œuvre gigantesque avec des bouts de ficelle, l’un des plus brillants exploits de la Science !
Bravo pour cet article très plaisant, la grande qualité du texte donne une très juste idée d’Ampère.
Pour prolonger la découverte du génie Lyonnais, venez à Poleymieux, vous découvrirez également de destin de son père et de son fils, ami de Juliette Récamier. Aussi l’essor des technologies liées à l’électricité.
Le conservateur du Musée Ampère
Lyon est vraiment une belle ville, j’adore ! le métro est moins pittoresque qu’à Paris mais l’histoire des stations très chouette, bravo !