« Sans vous, nos monuments seraient muets » : ainsi s’adressait Stéphane Bern aux guides-conférenciers au début de la crise sanitaire, en signe de solidarité.
Quelques mois plus tard, toujours confinés, j’ai imaginé offrir un bol d’oxygène aux Lyonnais et autres touristes reclus en donnant la parole à certains lieux & monuments emblématiques de la capitale des Trois Gaules. Pour fil conducteur, je me suis inspirée du fameux Métronome de Lorant Deutsch en suivant les noms des stations du métro lyonnais.
La place Bellecour, kilomètre zéro de la ville, se devait d’être le lieu de départ de cette odyssée ! Ecoutons ce qu’elle a à nous dire…
Une grande dame, Mme Bellecour, raconte :
– Moi, Bellecour, je ne suis pas seulement la vedette de cette ville, je suis également une des plus grandes places d’Europe ! Rendez-vous compte, je couvre pratiquement 6 ha à moi toute seule ! Oh bien sûr, il m’en a fallu du temps pour peaufiner ma silhouette et j’en ai porté bien des noms avant celui-ci… En effet, au commencement est le forum romain, véritable acropole qui trône fièrement sur le haut de Fourvière où vivent les habitants de Lugdunum. A l’époque, je ne suis qu’un embryon d’île balloté par le fleuve, un vaste marécage que les Romains, avec le génie qui les caractérise, assèchent pour y installer leurs entrepôts.
Au cœur du Moyen-Âge, l’archevêque donne libre cours à ma nature en y plantant une vigne à l’abri de clôtures. Me voilà « Bella Curtis », le beau jardin où paissent par la suite des moutons, chassés en 1562 par les soldats Réformés du Baron des Adrets. Voilà que ce dernier s’installe chez moi en y dressant son camp retranché…
Le bon roi Henri IV, Dieu soit loué, remet un peu d’ordre dans ce terrible carnage… je recouvre ma liberté jusqu’à l’entrée en scène de Louis, le Grand, l’éblouissant, que je séduis en un tour de main… ou presque, épris qu’il est de la belle Marie Mancini, nièce de Mazarin… Qu’à cela ne tienne, je redouble de charme et finis par l’emporter : le monarque m’honore en me décernant le titre de Place Royale ; me voilà devenue le miroir de la grandeur militaire, politique, divine de sa Majesté… au point que très vite je m’enorgueillis d’une statue qui le glorifie, suffisant, sur son cheval. Quelle classe ! En profitent pour se dresser tout autour de moi des édifices aux façades à l’antique dessinées par son architecte favori, un certain Robert de Cotte.
Ah j’en vois passer du beau linge ! Par exemple en 1804 le pape, Pie VII en personne, qui s’en va à Paris sacrer Napoléon, à reculons, il faut bien le dire.
Hélas, avant lui ma ville est jugée rebelle par la Convention… les révolutionnaires m’affublent d’un autel de la liberté. « Fédération, elle s’appelle maintenant Fédération-on-on* », chantaient-ils tous en cœur alors qu’ils installaient sur mes terres une guillotine… quand je pense à toutes ces têtes qui sur mon corps ont roulé, j’en frémis encore ! Durant le terrible siège de 1793, l’Egalité mène à la destruction de la statue du grand-Louis ainsi qu’à celle des façades de tous les immeubles érigés sur mon côté est/ouest ! Si vous m’aviez vue alors, je n’étais plus qu’un amas de ruines ! Lyon n’est plus… parce Lyon, vous l’avez compris, c’est moi ! Oui, moi, le cœur battant de la ville !
Que les dieux bénissent le grand Général, qui, dès son retour de Marengo, triomphateur, s’est approché et a posé sur mes blessures la première pierre réparatrice… Qu’est-ce que j’ai pu crâner en portant, pour trop peu de temps hélas, le nom de Bonaparte. Avec l’échec des Cent Jours, le pays s’en est retourné à la monarchie… et le roi soleil en mon sein, représenté tel un empereur romain à cru sous le burin de Lémot, celui-là même qui avait, auparavant, installé Henri IV, cette fois avec des étriers, sur le Pont Neuf . Figurez-vous que lors de la pose de cette sculpture, il fait une mauvaise chute qui le mène quelques années plus tard à la mort.
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt au cheval de Louis XIV, dont le socle était orné jusqu’à il y a peu, de la présence des deux grandes gloires locales, vous savez, celles qui me serrent bien à la taille, le Rhône et la Saône. Vous les avez vues, sublimement allégorisées par les frères Coustou. On me les a enlevées, vous entendez, enlevées ! Apriori, elles avaient besoin d’un bon toilettage… Bon, je veux bien l’admettre, mais va-t-on me les rendre ? On chuchote déjà qu’elles seraient remplacées par des copies, les originaux conservés au musée des Beaux-Arts… Dites-moi qu’il n’en est rien, sinon, quand les Lyonnais vont lancer leur cri de ralliement : « on se retrouve sous la queue du cheval », j’aurais l’air de quoi moi ?
*à chanter sur l’air de Conception Robert Charlebois
j’ai adoré lire Métronome pour découvrir ce qui se cachait derrière le nom des stations du métro parisien, je suis ravi de pouvoir faire la même chose avec celui de Lyon, grâce à la belle plume d’Isabelle. Impatient de continuer à voyager sur la ligne A et découvrir les autres arrêts! Jacques
le nombre de fois que je me suis arrêté dans cette station sans imaginer un instant qu’une histoire aussi riche lui était associée… Merci beaucoup pour cet article passionnant! Justin
Isabelle ist eine großartige Führung durch die Stadtteile Presquille, Croix-Rousse und Vieux Lyon gelungen. In ihrer sympathischen Art hat sie uns bei dem Spaziergang durch die 3 Stadtteile mit Anekdoten über das Leben in der Stadt und mit Ihrem Wissen über Architektur und Geschichte für die Stadt begeistern können.
Wir danken Isabelle für den schönen Tag und die vielen Erfahrungen, die wir über Lyon mit nach Hause nehmen dürfen.
passionnant cette découverte de la ville grâce au métro ! merci