Isabelle

Qu’est-ce qui se cache derrière le nom des stations du métro de Lyon : Cordeliers

Là où il y a de la haine, que je mette l’amour*

  • Ouah, qu’est-ce qu’elle brille la façade ! Faut dire qu’elle avait besoin d’un bon décrassage, cette église !

  • Eglise saint-Bonaventure avant son ravalement 2022-2023
  • Ah ça oui ! qu’est-ce qu’elle a été négligée, la pauvre ! C’est insensé, quand on pense qu’à l’époque de Bonaventure, elle était trop petite pour accueillir toute la foule amassée venue pleurer sa disparition…

  • Bonaventure ? c’est une blague !

  • Vitrail saint-Bonaventure
  • Attention à ne point blasphémer mon fils ! C’est François qui s’écrie, en voyant son disciple malade : « O buona ventura! »

  • François ?

  • Oui, François, le riche drapier d’Assise qui, renonçant au monde matériel, fonde l’ordre des moines mendiants qui portent son nom, les Franciscains ; il se pare alors d’une bure… une tunique en forme de croix coupée dans une étoffe rêche avec pour toute ceinture une corde… Tu comprends mon fils ?

  • Euh… une corde ?

  • Parfaitement, une corde, le symbole du dénuement…mais pas n’importe quelle corde, une corde à nœuds…

  • A nœuds ?

  • Oui, à nœuds. Vas mon fils, au Musée des Beaux Arts, le Louvre lyonnais… Pars tel le pèlerin du Moyen Âge, franchis le seuil du lieu sacré des peintres du grand siècle… Tu ne vas pas en croire tes yeux : il y a là une représentation saisissante de ce saint, ce passeur de joie, qui consacre sa vie aux lépreux et autres démunis. C’est le peintre Zurbaran, grand mystique de l’âge d’or espagnol qui le représente dans un tableau tout en ombre et hallucination, une œuvre habitée de mystère. C’est comme une apparition, mon fils…attends-toi à être frappé, à découvrir le petit pauvre, en extase, les yeux révulsés, tournés vers le ciel, oui le ciel, bien sûr, le ciel ! Quoi d’autre que le ciel ? Un détail ? Il veille, dans la sombre éternité, l’âme sur son sein, tranquille… Un autre ? A la taille, il porte cette corde… et ses nœuds… Oui, mon fils, cette corde qu’il porte en guise de ceinture est nouée des vœux de son ordre qu’il fonde en 1223, note bien mon fils : pauvreté, chasteté, obéissance.

  • Mon père, sans votre parole, jamais je n’aurais pu saisir ce symbole !

  • Mon fils, c’est cette corde qui donne son nom à l’ordre de ces frères mendiants, les Cordeliers, repérés par Saint Louis pour leur courage lors de la croisade de 1250…

  • Et je parie que le quartier s’appelle ainsi en raison de la présence d’un couvent habité alors par ces moines mendiants…

    Le Couvent des Cordeliers à la Renaissance

     

  • Alléluia ! D’ailleurs c’est assez cocasse de constater qu’au Moyen-Âge le lieu abritait de pauvres moines vivant de la charité publique et qu’aujourd’hui le quartier, coeur battant de la Presqu’île, a vendu son âme au commerce !

    Le Grand Bazar inauguré le 8 novembre 1886

    Mon fils, sais-tu que le couvent fut, comme tant d’autres à Lyon détruit par les révolutionnaires ? Imagine : ceux de la Convention se servent de l’église comme grenier à grains, quel sacrilège ! C’est le cardinal Fesch, l’oncle de Napoléon qui lui sauve la vie, quand il devient archevêque de la ville. Oui, c’est lui qui lui attribue sa façade…

  • Qui avait bien besoin d’être ravalée ! 

    L’église des Cordeliers après son ravalement mai 2023

     

  • Amen !

  • * prière de saint François d’Assise :

Qu’est-ce qui se cache derrière le nom des stations du métro de Lyon : Cusset

C’est de ce lieu reculé, ce lieu caché, ce cusset

Que tout a démarré, tout a commencé…

Du haut de sa terrasse le hameau

Le hameau aux mille couleurs

Bien à l’abri des folles, folles eaux

N’a jamais, jamais connu le malheur.

Terre d’accueil des uns, Gaulois,

Romains, quelques barbares…

Terre d’asile de tous, Ardéchois,

Espagnols, quelques Lombards.

Depuis des lustres, depuis la nuit des temps,

Saint Antoine, du fond de sa grange,

Au peuple de la contrée des étangs,

Distille ses chants, ses louanges.

Les tentacules de la grande cité,

Lyon, métropolis, la ville-mère

Jusque dans les cours d’eau se faufilent,

Changements de vue, de profil,

Chambardent la campagne hallucinée !


aménagement du canal de Jonage 1897

L’espace que la révolution hachure,

Celle des inventions, des génies,

Dispose des fabriques, des manufactures

Qui gourmandement dévorent l’énergie.

La salle des machines de l’usine hydroélectrique de Cusset

Dans un nuage de métal, de bruit,

Née la centrale au fil de l’eau

On creuse, on abat, on édifie

La belle cascade de 12 m de haut !

le barrage aujourd’hui côté aval

L’eau qui dormait se réveille,

De sa chute la force surgit,

L’usine sans fin à l’abeille pareille,

Est, pour son produit, n° 1 du pays.

Le barrage côté amont

Paysage transformé, chamboulé,

Consoles, balustrades, tout le décor !

Ponts mécano sur l’anneau bleu jetés,

Le progrès le grand Rhône honore.

Forces Motrices du Rhône

Cabossé, transformé tout est cassé

A la saint-Julien, la farandole on dansait,

Autour de l’orme, l’arbre de la liberté

Que l’argent, l’essor ont assassiné…

Orme, arbre de la liberté

 

 

 

 

Qui se cache derrière le nom des stations de métro : Laurent Bonnevay

Laurent Bonnevay a pitié de la foule…

Humaniste engagé du début du XXe siècle, Laurent Bonnevay, né à saint-Didier-au-Mont-d’Or en 1870, ministre, député, président du Conseil Général du Rhône, a pitié de la foule…

Pitié de celle des viticulteurs

C’est un vigneron du Beaujolais, interviewé par mes soins, qui me le présente en ces termes :

Beaujolais des pierres dorées

– C’est pas parce que j’passe mon temps dans mes vignes que je suis plus bête qu’un autre, vous savez ! Moi, mon père m’a toujours dit : Bonnevay, c’est lui qu’a fait planter des Douglas dans l’Beaujolais !

– Vous êtes sûr ? Je pensais que ça remontait au XIXe siècle, un comte de Sablon qui était alors maire de Claveisolles…

– C’est ça, mais le comte y les plante sur ses terres les Douglas alors que Bonnevay, conseiller général, profite de son mandat pour aider les vignerons !

– En plantant des résineux ?

– Ah ça oui, il pouvait bien manger dans d’la porcelaine l’Bonnevay, il faisait tout pour nous y la faciliter, la vie ! vous savez vous, le pire fléau du viticulteur, c’est quoi ? La grêle, m’dame, parfaitement. Cette gredine qui vous dévaste toutes vos parcelles en un éclair !…

– Certes, mais quel rapport entre la grêle et les Douglas ?

– « Qui plante un sapin dans la montagne protège un cep dans la plaine », qu’y disait l’Bonnevay, et ces sapins v’nus du grand Nord américain, y sont géants et sombres, très sombres… alors y refroidissent l’air… donc la grêle tombe là, sur les bois plutôt que sur la vigne…. C’est pas malin ça ? mais qui s’en souvient aujourd’hui, hein, que l’Bonnevay y a beaucoup fait pour nous ! Y a même un d’ces géants qui pousse là-haut dans les bois, son Douglas, y porte son nom, mais qui saurait encore y aller ? Y sont pourtant les plus hauts, les plus beaux de toute l’Europe, mettez-y dans vot’ papier, une honte que ces gens qu’ont pas d’mémoire !

Le Douglas qui rend hommage à Laurent Bonnevay

Pitié des miséreux

Un si grand homme ! Et dévoué avec ça ! Comme j’y ai déjà dit, p’t ête un bourgeois, l’Bonnevay, n’empêche que grâce à lui et j’vous parle d’ça, c’est juste avant la Grande Guerre, y est député, alors il y met à l’abri ceux d’la misère… Oh évidemment aujourd’hui tout l’monde il a l’eau courante sur l’évier mais à cett époque ils y vivent tous dans des taudis, sans les cabinets, cte malheur ! Alors vous pensez, une salle de bain, c’est du grand luxe ! L’hygiène à l’époque, on n’y connaît pas…

– Oui, c’est l’émergence du confort en quelque sorte…

– Confort, confort, il était temps, à l’époque, c’est dans not beau pays qu’on meurt le plus! Alors commencent à pousser des immeubles à bon marché. Aujourd’hui y zi appellent l’OPAC ou HLM, que j’y croisAvec leurs noms remplis d’majuscules, on y comprend peu grand-chose !

– Ah ça, vous m’en apprenez des choses… moi qui associais simplement son nom au boulevard de ceinture

Oh le périphe qu’vous voulez dire, ehhh !… c’est qu’le périphe, c’était l’aventure, une aventure humaine, tiens ! Y’a des fortifications au S-E de la ville, du XVIIIe qu’y disait l’Bonnevay, il y élève une digue qu’il recouvre d’une chaussée, et v’là l’tour qu’est joué ! Il fait d’une pierre deux coups : il a sa route et elle y stoppe le Rhône, quand il lui prend l’envie de déborder à Villeurbanne ou là-haut aux Brotteaux !

Boulevard de ceinture Laurent Bonnevay

Pitié des sans-emploi

– Cet homme sait décidément tout faire ! J’ai lu du reste qu’en 1928, le chômage, qui gangrène déjà le pays, conduit des ouvriers, par milliers, à la soupe populaire…

– Là aussi, mon père m’a toujours dit : Bonnevay, c’est un bienfaiteur ! Contre d’la soupe, des milliers d’hommes s’relèvent les manches pour bâtir la première autoroute de France, oui la première, ici à Lyon ! Vue plongeante garantie depuis sa station de métro sur une circulation ininterrompue – les statistiques, y zi parlent de 150 000 véhicules par jour. Ah j’voudrais bien savoir qui, d’ceux qui empruntent le périphe ou l’métro, savent qui était ce grand homme !

Passage du métro de la Station Bonnevay au-dessus du périphérique du même nom